lundi 17 septembre 2018

S'émouvoir, se mouvoir. De constellations en sillages.


Nous ne sommes pas des cailloux, nous sommes des êtres émotionnels. Cette phrase que j’ai déjà prononcée en cours de séances résonne… Un caillou roule sur une cuisse ; agile, la main le rattrape. Le danseur laisse choir la pierre, nous laissant craindre qu’elle va lui broyer le pied. Corps intact qui continue de bouger. Au sol, debout, et même suspendu. Il nous entraîne d’un continent à l’autre, bercé de chants exotiques. Mic-mac. Dernière pièce du festival Constellations. Kubilai Khan Investigations en action. Vendredi/Dimanche  : danse, performance, texte, mouvement, lumière, obscurité, corps nu ou habillé, différents lieux pour déambuler dans une ville soudain traversée d’étoiles.

L’année dernière, j’étais déjà présente. Mais, je ne m’étais pas sentie à l’aise. Programmation trop élitiste ? Je me sentais exclue d’un environnement que je trouvais replié dans son quant-à-soi. Entre généralités et jugements, je m’étais moi-même enfermée, je crois.


2018, je renouvelle l’expérience. Car tout passe et tout demeure. Texte saisissant. Conférence improbable. Souffle/voix et corps basculés. Identité entre deux. Dans l’obscurité. Danser ! Brume. Sons endiablés. Une femme puissante. Et toujours plus de « danse, danse, danse ». Jusqu’à ce que… Ô ciel ! Un homme stupéfiant surgit en collant…

Tout passe et tout demeure… En dire un peu plus. Sur la parole d’Héraclite.

Héraclite l’obscur qui exige des hommes qu’ils abandonnent leur existence ensommeillée et rêvée pour vivre à la mesure de la réalité qui les entoure. Tout coule, tout s’écoule, ne reste jamais pareil. Toutes choses sont en mouvement. Tout se transforme et rien ne demeure immobile, tout passe et rien ne demeure. Filant la métaphore de l’écoulement : « tu ne saurais entrer deux fois dans le même fleuve, car la seconde fois, le fleuve n’est plus le même, ce sont d’autres eaux, et les berges se sont modifiées ». De même avec le temps qui s’écoule, je ne suis celle que j’étais la veille, mon corps est emporté dans un mouvement pareil à celui des fleuves. « Tout ce que tu vois court au rythme du temps, rien de ce que tu vois ne demeure ». Tout coule. Tout court.

Ce même week-end, dans un autre genre… un peu de souplesse ;)

Kevin Mayer, décathlonien explique après son dernier exploit, au-delà de l’esthétique ou de la statistique, que la piste d’échauffement brûle quand il l’aperçoit. Et d’ajouter, ce qui différencie les champions des très grands, c’est qu’ils sont les très grands dans la sensation et non dans la réflexion, ils vivent intensément l’instant présent.

Mouvement. Déambuler. Découvrir. Être saisie… à condition d’être éveillée. A condition d’être dans l’instant présent… D’Héraclite à Antonio Machado, une fin toute trouvée pour cet article de rentrée, pour remercier tous ceux qui sans le savoir me ramène à l’essentiel. Délicieuse piqûre de rappel…

« Le chemin se fait en marchant. Et quand tu regardes en arrière, vois le sentier que jamais tu ne dois à nouveau fouler (…) Il n’y a pas de chemin, rien que des sillages sur la mer. Tout passe et tout demeure (…) notre affaire est de passer, de passer en traçant des chemins. Des chemins sur la mer »