Il existe encore de nombreuses interrogations autour de
la préparation mentale. Par
exemple :
Doit-elle être obligatoire,
au même titre que la préparation physique, l’entrainement technique et
tactique, laissant croire qu’elle pourrait également éviter à certains athlètes
d’arrêter leur pratique sportive pour de mauvaises raisons… Ou bien s’agit-il
en, préparation mentale, d’accompagner des personnes
volontaires dans cette démarche en les laissant libres de commencer et de poursuivre cette collaboration…
Eva Parmentier, préparatrice mentale, a proposé ce sujet
lors d’une réunion de co-vision de notre
équipe du D.U. Préparateur mental - Interventions et aide à la performance de
l’université de Clermont-Ferrand (l’occasion
de partager au sein de notre équipe pluridisciplinaire nos expériences, points de
vue, pratiques…).
Vous trouverez ci-dessous le contenu de ma participation,
témoin d’un point de vue, mais aussi de la façon dont j’ai souhaité aborder
cette question.
Pour moi, tout
commence par le vocabulaire. Je cherche toujours dans le dictionnaire
historique de la langue française quelques mots clefs, ici :
Volontairement = sans y être forcé, en manifestant
son autorité.
Volonté : latin volontas = bonne volonté, bienveillance, zèle, puis volonté
exprimée, notamment par testament d’où dispositions, sentiments à l’égard de
quelqu’un, vœu, désir. Puis en
philosophie, avec un sens abstrait. (Ne parlerait-on pas aujourd’hui de
consentement plutôt que de volonté…) (Mes
études de philo sont très loin, reste peut-être Descartes… la volonté est le
pouvoir d’affirmer ou de nier. L’entendement propose les idées, mais la volonté
dispose et dit oui ou non)
Parce
qu’il y a désir, je suis allée chercher du côté de la demande…
Demande : déverbal, substantif d’action
et par métonymie désigne la chose demandée.
Demander : latin demandare = charger
quelqu’un de quelque chose d’où exiger, ordonner et à basse époque :
faire venir. Exprimer le désir de, émettre
la volonté d’avoir ; il est employé absolument avec l’idée de solliciter pour obtenir.
En
bref : avoir (viendra nécessairement l’être), désir, demande, charge…
(Je ne résiste pas à l’envie de citer Pierre Martin, psychanalyste :
« Il y a un au-delà du besoin qui se manifeste dans la demande, il y a un
en-deçà de la demande, qui la provoque : c’est le manque, le vide ;
son expression c’est le désir, sa transcription au niveau du sujet, c’est
l’amour. »)
Notre groupe a échangé
autour de la demande ou de son absence, de la commande, de la prescription… Qui
- athlète, parent, entraineur,… - demande quoi, pour qui…
Oui, la demande est parfois (ou souvent ?)
peu ou pas exprimée : or derrière le refus de la demande se trouve le désir.
Désir qui peut aussi s’exprimer dans un détournement de la demande, et même dans
un silence. Cela signifie qu’il y a un
désir qui ne se traduit pas. Dans ce cas, il peut être intéressant de
placer l’individu dans une situation qui peut favoriser la formulation d’une
demande. Je serais donc très modérée sur l’idée de l’obligation… Mais plutôt
prompte à créer ce contexte favorable à l’expression de la demande, en
travaillant notamment sur les représentations que chacun peut avoir de nos
champs, qu’ils soient préparation mentale ou psychologie…
Créer le contexte pour
accueillir une demande dont la forme va varier, en fonction du rapport
qu’entretient le sujet avec l’énigme qui l’habite, la perte de maîtrise que
cela suppose, la souffrance qu’elle comporte et bien sûr, la figure de l’autre
qu’elle implique.
Puisque la demande est un exprimé dans un but et dans une
fin, et à quelqu’un.
Une problématique peut
être acceptée et faire l’objet d’une demande ; elle peut être plus montrée
que dite, en attente d’être vue et reconnue, en quête d’un « répondant »
pour être reconnue. Elle peut être refusée, déniée mais appelant l’empathie de
l’autre car adressée comme un appel muet… Enfin, elle peut aussi ne pas avoir
pu s’organiser et se formuler.
La demande engage,
elle met en gage. Et pour les enfants, il est d’autant plus important de savoir
qui demande quoi. Car il est plus
intéressant alors de s’occuper de celui qui demande vraiment, c’est à celui-là
qu’il faudra avoir à faire. Le fameux : c’est celui qui dit qui
l’est ! Et bien sûr ne pas oublier celui qui attend la demande : moi,
psychologue-préparateur mental ! La première demande c’est la mienne, via
cet autre de moi-même qui induit à vouloir, à faire, en faisant croire que ça
vient de l’extérieur : se
préoccuper de la demande, c’est se déprendre d’une tendance à prendre !
Sans doute mon côté "psy"
qui reprend le dessus : la demande dans la société vise la satisfaction à
venir d’un besoin, pour le psy, ce n’est pas l’outil, l’utile, ce qu’on peut
avoir, ce qui peut servir, ce n’est pas AVOIR, c’est ÊTRE qui m’intéresse. (Quand on parle de
demande, on évoque toujours la nécessité d’avoir, elle s’adresse à autrui et
nous ne prenons pas garde du tout que cette demande d’avoir repose sur quelque
chose de plus fondamental qui est un appel à l’être, un appel à poursuivre sa
propre existence. Donc attention : demande
d’être, fondement de la demande d’avoir, et non le contraire)
Je ne réponds pas à
une demande au sens de satisfaire, je réponds à une demande au sens où il y a
engagement : que celui qui vienne
et demande se fende d’une question : « qu’est ce qui se passe donc
chez moi* ? » (ou finisse par se fendre, car il peut
être long le temps entre désir et demande !)
(*Vous apprécierez la formulation très directe de Pierre Martin, encore lui !)
Pour formuler une demande, émettre un appel, il faut avoir déjà eu antérieurement l’expérience d’une rencontre qui reconnaît et soulage la
souffrance, l’apaise, au moins de manière suffisamment significative. Il faut
aussi supporter l’idée de la dépendance
dans laquelle la demande place le sujet. La condition pour supporter cette
dépendance : qu’elle reste relative, mesurée, limitée.
En forme de conclusion,
j’ai choisi de citer l’analyste Serge André qui nous donne l’idée de la
résistance dans la demande…